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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 5.djvu/434

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APPENDICE.

qu’elle se puisse contenir ? Certainement combien que tu nous le persuades, si ne crois-je point toutefois que tu le croies ; et toi-même tu confesses que ta femme est femme, et qu’elle est de chair et d’os comme sont les autres : par quoi, s’il en est ainsi, les mêmes désirs et les mêmes forces que les autres ont pour résister à tels appétits naturels doivent être les siens ; au moyen de quoi il n’est pas impossible qu’elle soit très-honnête, qu’elle ne fasse ce que les autres font, et n’y a chose possible qui se doive ainsi nier, ou affirmer son contraire si opiniâtrement comme tu fais.

À qui Bernard répondit et dit :

— Je suis marchand et non philosophe, et comme marchand je répondrai et te dirai que je connais ce que tu dis pouvoir advenir aux folles qui n’ont point de honte ; mais celles qui sont sages ont tant de soin de leur honneur qu’elles deviennent plus constantes que les hommes qui ne se soucient point de le garder, et ma femme est de celles-là.

— Véritablement, dit Ambroise, si pour chaque fois qu’elles font ces folies leur venait une corne au front qui rendît témoignage de ce qu’elles auraient fait, je crois qu’il y en aurait peu qui le voulussent faire ; mais non-seulement il ne leur vient point de corne au front, mais à celles qui sont sages il n’y en paraît aucune marque ; et quant à ce qui est de la honte et perte de leur honneur, cela ne consiste sinon aux choses qui sont sues ; par quoi je ne fais aucun doute que, quand elles le peuvent faire secrètement, elles le font, ou bien que si elles s’en abstiennent, c’est sottise, et tiens ceci pour tout certain que celle est seule chaste, laquelle n’a jamais été priée de personne, ou si elle a prié, qu’elle ait été éconduite ; et combien que je connaisse par vraies et naturelles raisons qu’elles doivent être ainsi, toutefois je n’en par-