— Viens ici, l’ami… Je vois que tu es pauvre ; — tiens, voici quarante ducats (127) ; donne-moi — une dose de poison ; mais il me faut une drogue énergique — qui, à peine dispersée dans les veines — de l’homme las de vivre, le fasse tomber mort, — et qui chasse du corps le souffle — aussi violemment, aussi rapidement que la flamme — renvoie la poudre des entrailles fatales du canon !
— J’ai de ces poisons meurtriers. Mais la loi de Mantoue, — c’est la mort pour qui les débite.
— Quoi ! tu es dans ce dénûment et dans cette misère, — et tu as peur de mourir ! La famine est sur tes joues ; — le besoin et la souffrance agonisent dans ton regard ; — le dégoût et la misère pendent à tes épaules (128). — Le monde ne t’est point ami, ni la loi du monde ; — le monde n’a pas fait sa loi pour t’enrichir ; — viole-la donc, cesse d’être pauvre et prends ceci.
— Ma pauvreté consent, mais non ma volonté.
— Je paye ta pauvreté, et non ta volonté.
— Mettez ceci dans le liquide que vous voudrez, — et avalez ; eussiez-vous la force de vingt hommes, vous serez expédié immédiatement (129).
— Voici ton or ; ce poison est plus funeste à l’âme des hommes, — il commet plus de meurtres dans cet odieux monde — que ces pauvres mixtures que tu n’as pas le droit de vendre. — C’est moi qui te vends du poison ; tu