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ANTOINE ET CLÉOPÂTRE, ROMÉO ET JULIETTE.

De même, le vieux poëte Lucilius :

« Irritata canis quod RR quam plurima dicat. »

(85) Ce monologue a subi, dans le drame corrigé, d’importantes modifications. Pour s’en rendre compte, le lecteur n’a qu’à le comparer avec l’esquisse publiée en 1597:

JULIETTE.

— L’horloge frappait neuf heures, quand j’ai envoyé la nourrice ; — elle m’avait promis d’être de retour, en une demi-heure. — Peut-être ne l’a-t-elle pas trouvé… Mais non… — Oh ! elle est paresseuse ! Les messagers d’amour devraient être des pensées, — et courir aussi vite que la flamme — chasse la poudre de la gueule terrible du canon. — Ah ! enfin, elle arrive ! Dis-moi, gentille nourrice, — que dit mon amour ? Tout en retranchant de la pièce corrigée les quatre derniers vers de cette citation, le poëte n’a pas voulu que son œuvre perdit la belle image qu’ils contiennent ; voilà pourquoi, avec ce tact scrupuleux qui caractérise le génie, il a transposé cette image à une autre scène du drame définitif. — En lisant tout à l’heure la scène XXII, le lecteur retrouvera dans la bouche de Roméo la pensée exprimée ici par Juliette : « Donne-moi un poison, dit Roméo à l’apothicaire, qui enlève du corps le souffle vital — aussi violemment, aussi rapidement que la flamme — chasse la poudre des entrailles fatales du canon. »

(86) Cette scène a été complètement refaite. La voici, telle que le poëte l’avait primitivement conçue :

Entre frère Laurence et Roméo.
ROMÉO.

— Maintenant, père Laurence, c’est de ton consentement sacré — que dépendent mon bonheur et celui de Juliette.

LAURENCE.

— Sans plus de paroles, je ferai tout au monde — pour vous rendre heureux, si cela est en mon pouvoir.

ROMÉO.

— Elle a décidé que nous nous rencontrerions ici ce matin — et que nous resserrerions les liens indissolubles, — gage de notre mutuel amour, par l’union de nos mains ; elle va venir.

LAURENCE.

— Je devine qu’elle va venir en effet ; l’amour chez la jeunesse est alerte, est plus rapide que la plus rapide précipitation.