dégradé par les siècles. Ce sarcophage, profond d’un pied et demi, large de deux pieds et long de six pieds, est fruste et découvert ; dans l’intérieur, à l’extrémité orientale, est un oreiller de pierre qui semble avoir été placé là pour appuyer une tête ; à deux des parois se remarquent deux trous, évidemment creusés à la hâte, qui ont dû faire office de soupirail. C’est dans ce tombeau, plus semblable à un lit qu’à un sépulcre, que, selon une tradition immémoriale, le moine Lorenzo a déposé Juliette.
À l’heure où j’écris, le canon autrichien menace le champ sacré qui contient la glorieuse relique ; une bande de reîtres bivouaque dans le vénérable monastère ; un soudard germanique est en faction auprès du sarcophage !
Ô vous tous, camarades d’outre-monts, jeunes gens qui avez au cœur la sainte flamme de Roméo et qui parlez sa langue, songez qu’une sentinelle tudesque garde le monument où fut inhumée la fille des Capulets ! Songez à cela, et puisse cette pensée surexciter votre acharnement, au jour de la lutte décisive contre l’étranger ! Puisse le ressentiment d’une telle profanation exalter votre fureur jusqu’à l’héroïsme ! Alors, en dépit des bastions et de la forteresse, marchez sur Vérone, intrépides ; forcez le faubourg sous la mitraille, pénétrez dans le champ funèbre, reprenez-le, et, quand vous l’aurez reconquis, ô prodige ! vous verrez surgir de la tombe, après une léthargie de quinze cents ans, cette Juliette immortelle qui s’appelle l’Italie !