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INTRODUCTION.

valescente reprend peu à peu la saine nature de son sexe, la bonté, l’affabilité, la bienveillance, l’humilité, la tendresse, la résignation, la timidité, la grâce, ces forces de la faiblesse. Elle se débarrasse de cette virilité maladive dont elle a vu les excès et elle redevient femme. En redevenant femme, elle recouvre tous ces titres augustes que la famille réserve à ses élues. Elle ressaisit le triple diadème des affections ; elle ressent l’amour filial qui fait les Cordélia, l’amour conjugal qui inspire les Desdémona, en attendant qu’elle éprouve cet amour maternel qui exalte les Constance. Elle reprend son rang parmi ses pareilles, et, pour leur prouver qu’elle en est digne, elle leur fait elle-même la leçon. Elle s’adresse à toutes les femmes et leur prêche le devoir avec l’enthousiasme exalté d’une convertie : « Fi ! fi ! détendez ce front menaçant et rembruni. Cet air sombre ternit votre beauté. Une femme irritée est comme une source remuée, bourbeuse, désagréable, trouble ; et, tant qu’elle est ainsi, nul, si altéré qu’il puisse être, ne daignera y tremper sa lèvre. Votre mari est votre seigneur, votre vie, votre gardien, votre chef, votre souverain, celui qui s’occupe de vous et de votre entretien ; qui livre son corps à de pénibles labeurs et sur terre et sur mer, veillant la nuit dans la tempête, le jour dans le froid, tandis que vous dormez chaudement au logis. Il n’implore de vous d’autre tribut que l’amour, la mine avenante et une sincère obéissance, trop petit à-compte sur une dette si grande ! »

La Sauvage apprivoisée devait devenir facilement populaire. Cette comédie de mœurs traitait de la façon la plus amusante un sujet intéressant pour tous ; elle abordait publiquement le problème des rapports intimes entre l’homme et la femme, et elle le résolvait, sous une forme excentrique, à la satisfaction du bon sens