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SCÈNE XVIII.
comte pour un petit libertin fort dangereux, une baleine à virginités dévorant le fretin qui s’offre sur sa route.
BERTRAND, à part.

Damné coquin ! double drôle !

PREMIER SOLDAT.

S’il prodigue les serments, dis-lui de verser de l’or et prends ;
Une fois qu’il a consommé, il ne paie jamais l’écot.
Un marché pour bien être conclu doit être déjà à moitié réalisé ;
Réalise d’abord et tu concluras bien.
Il n’acquitte jamais les arrérages, Fais-toi donc payer d’avance.
Et puis, crois-en, Diane, un soldat,
Adresse-toi aux hommes et m’embrasse pas les enfants.
Compte que le comte est un sot, je le sais,
Qui paye d’avance, mais jamais quand il doit.
À toi, comme il te l’a juré à l’oreille.

Paroles.
BERTRAND, à part.

Il sera fusillé dans les rangs de l’armée avec ces vers-là sur le front.

DEUXIÈME SEIGNEUR, à part.

Voilà, seigneur, votre ami dévoué, le savant polyglotte, le soldat armipotent.

BERTRAND, à part.

Jusqu’ici je n’ai eu d’aversion que pour les chats, et maintenant cet homme est un chat pour moi.

PREMIER SOLDAT, à Paroles.

Je m’aperçois, messire, à la mine du général, que nous aurions plaisir à vous pendre.

PAROLES.

Ah ! monsieur, à tout prix, la vie !… Non pas que j’aie peur de mourir ; mais, voyez-vous ? mes péchés sont si nombreux que je voudrais passer à me repentir le reste de mes jours. Laissez-moi vivre, monsieur, dans un cachot, au pilori, n’importe où, pourvu que je vive !