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PEINES D'AMOUR PERDUES.

LE ROI.

— Ne me reprochez pas ce que vous-même avez provoqué. — C’est la vertu de vos yeux qui a dû rompre mon vœu.

LA PRINCESSE.

— Vous invoquez à tort la vertu : c’est de vice que vous devriez parler ; — car l’office, de la vertu n’est jamais de rompre les vœux des hommes. — Ah ! par mon virginal honneur, aussi pur encore, — que le lis immaculé, je le jure, — dussé-je endurer un monde de tourments, — je ne consentirai pas à accepter l’hospitalité dans votre maison ; — tant je répugne à causer la rupture — d’un vœu prononcé de bonne foi à la face du ciel.

LE ROI.

— Oh ! vous avez vécu ici dans un désert, — inaperçue, délaissée, à notre grande honte.

LA PRINCESSE.

— Non pas, monseigneur ! Cela n’est pas, je vous jure : — nous avons eu plus d’un passe-temps et d’une récréation fort réjouissante ; — une bande de Russes vient justement de nous quitter.

LE ROI.

— Comment, madame, des Russes !

LA PRINCESSE.

Oui, vraiment, monseigneur : — de gracieux galants, pleins de courtoisie et de majesté.

ROSALINE.

— Parlez franchement, madame… Il n’en est rien, monseigneur. — Madame, selon la mode de nos jours, — leur accorde par courtoisie un éloge immérité. — Nous quatre, en effet, avons été abordées ici par quatre personnages — en costume russe. Ils sont restés ici une heure — sans cesser de causer, et dans cette heure, monseigneur, — ils ne nous ont pas gratifiées d’un seul mot heureux. — Je