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SCÈNE I.

LE LORD.

— Quel monstrueux animal ! Le voilà vautré comme un porc ! Ô mort sinistre, combien affreuse et répulsive est ton image !… — Mes maîtres, je veux m’amuser de cet ivrogne. — Qu’en pensez-vous ? s’il était transporté dans un lit, — enveloppé dans des draps fins, et s’il se réveillait, ayant des bagues à ses doigts, — un banquet délicieux devant son lit, — et près de lui des gens en riche livrée, — ce mendiant-là n’oublierait-il pas qui il est ?

PREMIER PIQUEUR.

Certainement, milord. Je n’en doute pas.

DEUXIÈME PIQUEUR.

Il serait bien étonné en s’éveillant.

LE LORD.

— Cela lui ferait l’effet d’un rêve flatteur ou d’une chimérique hallucination… — Allons, enlevez-le et ménagez bien la plaisanterie ; — portez-le doucement dans ma plus belle chambre, — et ornez-la de mes plus voluptueux tableaux ; — embaumez sa sale tête avec de tièdes eaux de senteur, — et brûlez des bois parfumés pour parfumer l’appartement ; — procurez-moi un orchestre prêt, quand il s’éveillera, — à faire entendre les sons les plus doux et les plus célestes ; — et, si par hasard il parle, offrez-vous vite, — et, avec la plus humble et la plus respectueuse révérence, — dites-lui : Qu’ordonne Votre Grandeur ? — Que l’un se présente avec un bassin d’argent, — rempli d’eau de rose et jonché de fleurs ; — qu’un autre apporte l’aiguière, un troisième un linge damassé — et dise : Plaît-il à Votre Seigneurie de se rafraîchir les mains ? — Que quelqu’un se tienne prêt avec une somptueuse garde-robe, — et lui demande quelle parure il veut mettre ; — qu’un autre lui parle de sa meute et de ses chevaux, — et de sa