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SCÈNE VIII.

isabelle.

— Je n’ai qu’un seul langage : mon généreux seigneur, — je vous en conjure, reprenez avec moi votre premier ton.

angelo.

Comprenez bien, je vous aime !

isabelle.

— Mon frère a aimé Juliette, — et vous me dites qu’il mourra pour cela.

angelo.

— Il ne mourra pas, Isabelle, si vous m’accordez votre amour.

isabelle.

— Je sais que votre vertu s’arroge le privilége — d’assumer l’apparence du vice — pour éprouver autrui.

angelo.

Croyez-moi, sur mon honneur, — mes paroles expriment ma pensée.

isabelle.

— Ah ! pour donner pareille chose à croire, il faut avoir peu d’honneur — et une bien mauvaise pensée !… Hypocrisie ! hypocrisie ! — Je te dénoncerai, Angelo, prends-y garde. — Signe-moi immédiatement la grâce de mon frère, — ou à gorge déployée je crierai au monde — quel homme tu es.

angelo.

Qui te croira, Isabelle ? — Mon nom immaculé, l’austérité de ma vie, — mon témoignage opposé au vôtre et mon rang dans l’État, — prévaudront sur votre accusation, — au point que votre propre rapport sera étouffé, — comme sentant la calomnie. J’ai commencé, — et maintenant je lâche les rênes à mes sens effrénés ! — Accorde ton consentement à mon ardent désir ; — réprime toute pruderie et toutes ces fâcheuses rougeurs — qui repoussent ce qu’elles réclament. Rachète ton frère — en livrant ton corps à ma fantaisie : — autrement, non seulement il subira la