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INTRODUCTION.

pour attentat aux mœurs ; une femme, parente du condamné, intercède pour lui auprès de l’officier public : l’officier promet d’être clément si cette femme se donne à lui ; la femme se livre, et l’officier, en dépit de sa promesse, laisse exécuter la sentence : voilà un fait bien atroce, n’est-ce pas ? eh bien, il n’est pas extraordinaire. On en trouverait plus d’un exemple dans nos annales européennes. Ce fait a été raconté, en France, d’Olivier le Diable et de Laubardemont ; en Angleterre, du colonel Kirke ; en Italie, d’un officier de la maison d’Este. Ce n’est donc pas à la légende qu’il faut l’attribuer, c’est à l’histoire. La fable a pu se l’approprier et le développer, elle ne l’a pas inventé : il a appartenu de tout temps à la chronique scandaleuse de l’humanité.

Je n’hésite donc pas à attribuer une origine historique à la tragique nouvelle que raconte maître Giraldi Cinthio de Ferrare au cinquième chapitre de la huitième décade de ses Hécatommithi. — Il était une fois, dit Mme  Fulvia, un grand empereur appelé Maximian, qui était un rare exemple de courtoisie, de magnanimité et de justice. Cet empereur unique avait choisi, pour gouverner sa bonne ville d’Inspruck, un sien familier qu’il aimait fort, nommé Juriste ; mais, avant de lui bailler ses lettres patentes, il lui avait recommandé de garder inviolablement la justice, l’avertissant qu’il pourrait tout lui pardonner, excepté une chose faite contre justice : « Si d’aventure vous ne pensez être tel que je vous désire, pour ce que tout homme n’est pas propre à toute chose, ne prenez pas cette charge et restez ici à la cour. » Juriste, plein de confiance en lui-même, avait remercié son seigneur de la remontrance et hardiment avait accepté l’office. — Longtemps après qu’il eut pris en mains l’administration de la cité, advint qu’un jeune homme, appelé Vico, força une jeune fille d’Inspruck. De quoi la plainte alla par-devant Juriste lequel le fit prendre