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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 10.djvu/190

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MESURE POUR MESURE.

le duc.

Nous en reparlerons tout à l’heure… Prévôt, sur votre front est écrit : Loyauté et fermeté ; si je lis mal, il faut que ma vieille sagacité me trompe bien ; je n’hésiterais pas à m’aventurer sur la présomption de mon diagnostic. Claudio, que vous avez reçu mandat d’exécuter, n’a pas plus forfait à la loi qu’Angelo qui l’a condamné. Pour vous faire comprendre cela d’une manière manifeste, je ne vous demande qu’un délai de quatre jours ; et, de votre côté, il faut que vous m’accordiez une faveur immédiate et dangereuse.

le prévôt.

Laquelle, je vous prie, monsieur ?

le duc.

Celle de différer l’exécution.

le prévôt.

Hélas ! comment le puis-je, puisque j’ai une heure limitée, et l’ordre exprès, sous les peines les plus graves, de déposer la tête sous les yeux d’Angelo ? Si j’y contreviens en quoi que ce soit, je puis me mettre dans le même cas que Claudio.

le duc.

Par les vœux de mon ordre, je vous garantis de tout risque, si vous vous laissez guider par mes instructions. Que ce Bernardin soit exécuté ce matin, et sa tête portée à Angelo !

le prévôt.

Angelo les a vus tous deux : il reconnaîtra le visage.

le duc.

Oh ! la mort change tant ! Pour ajouter à l’illusion, rasez la tête et nouez la barbe, et dites que c’est le pénitent qui a désiré être ainsi tonsuré avant sa mort. Vous savez que c’est un cas fréquent. Si pour tout cela, il tombe sur vous autre chose que des remercîments et des faveurs, par le saint que je révère, je vous défendrai au péril de ma vie.