Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 10.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
197
SCÈNE XV.

les plaintes et pour nous délivrer des récriminations ultérieures qui dès lors seront sans force contre nous.

angelo.

Eh bien, chargez-vous de cette proclamation, je vous prie. — J’irai vous voir chez vous de bon matin. — Faites prévenir les grands vassaux — qui doivent le rencontrer.

escalus.

Oui, monsieur. Adieu.

angelo.

Bonsoir !

Escalus sort.

— Cette action me bouleverse entièrement, elle me déconcerte — et me rend incapable de rien faire… Une vierge déflorée ! — et par un personnage éminent qui outrait — la loi contre ce crime ! Si une tendre pudeur — ne l’empêchait de proclamer son désastre virginal, — comme elle pourrait m’accuser ! Mais la raison l’oblige au silence : — car mon autorité est forte d’un prestige écrasant — qui, avant qu’un scandale privé pût l’atteindre, — confondrait l’accusateur… Claudio aurait vécu, — si je n’avais craint que sa jeunesse turbulente, mue par un dangereux ressentiment, — ne cherchât, dans les temps à venir, à venger — le déshonneur d’une vie concédée — au prix d’une si honteuse rançon… Plût au ciel pourtant qu’il vécût ! — Hélas ! quand une fois nous avons mis notre vertu en oubli, — rien ne va bien : nous voudrions et nous ne voudrions pas.

Il sort.

SCÈNE XV.
[Aux environs de Vienne.]
Entrent le duc, dans son costume de prince, et frère Pierre.
le duc, remettant des papiers au moine.

— Remettez-moi ces lettres au moment opportun. —