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INTRODUCTION.

pièces composées sur la même donnée, l’une par Shakespeare, l’autre, par quelque dramaturge obscur, ce fait ressortirait du compte rendu même de l’entretien qui eut lieu le jeudi 7 février entre Augustin Phillips et sir Gilly Merrick ? Si tel était le cas, le comédien eût été obligé de répondre au chevalier quelque chose comme ceci : « Vous désirez que nous reprenions l’ancien drame qui a pour conclusion la déposition et le meurtre de Richard II. Or, nous avons deux pièces ayant cette conclusion, l’une de notre confrère, William Shakespeare, l’autre de X. Laquelle désirez-vous ? » Mais rien de pareil ne s’est dit entre les interlocuteurs. Les documents, qui relatent la négociation, s’accordent à établir qu’elle avait pour objet un ouvrage unique, The play of deposing king Richard the second, suivant le récit de Bacon, The play of deposing and killing king Richard the second, selon le procès-verbal des juges d’instruction. Cette désignation si précise : La pièce de la déposition et du meurtre du Roi Richard, n’admet aucun doute : elle prouve qu’il n’existait pas deux drames composés sur le même sujet et que par conséquent il n’y avait pas lieu à option. Évidemment, aucune confusion n’était possible dans l’esprit des interlocuteurs, et la pièce réclamée ne pouvait être que le drame par excellence, le drame de Shakespeare.

Donc, — il faut, bon gré mal gré, que la critique anglaise en convienne, — voilà l’auteur de Richard II impliqué par son œuvre dans l’insurrection de 1601. Voilà Shakespeare pris en flagrant délit de révolte intellectuelle et morale contre la monarchie absolue des Tudors ! Certes une telle évidence, loin de diminuer la gloire du poëte, ne fait que la grandir à nos yeux. Libre aux « loyaux » critiques d’outre-Manche de rejeter cette évidence comme injurieuse pour sa mémoire. Quant à nous, il nous plaît de voir notre poëte prendre en face du despotisme l’attitude hautaine de la