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SCÈNE XII.

sang qui, auparavant froid et rassis, laissait le foie blanc et pâle, ce qui est l’insigne de la pusillanimité et de la couardise ; mais le Xérès le réchauffe, et le fait courir de l’intérieur aux extrémités. Il illumine la face qui, comme un fanal, donne à toutes les forces de ce petit royaume, l’homme, le signal de s’armer ; et alors toute la milice vitale, tous les petits esprits internes se rallient en masse autour de leur capitaine, le cœur, qui, dilaté et fier de ce cortége, ose toute espèce d’exploit ; et toute cette valeur vient du Xérès ! En sorte que la science des armes n’est rien sans le vin ; car c’est lui qui la met en action. L’instruction n’est qu’une mine d’or gardée par un diable, jusqu’à ce que le vin l’exploite et la mette en œuvre et en valeur. De là vient que le prince Harry est vaillant ; car le sang-froid qu’il a naturellement hérité de son père, il l’a, comme un terrain maigre, stérile et nu, fumé, aménagé et fécondé par l’excellente habitude de bien boire, par de bonnes libations d’un généreux Xérès ; si bien qu’il est devenu fort ardent et fort vaillant. Si j’avais mille fils, le premier principe humain que je leur enseignerais serait d’abjurer toute boisson légère et de s’adonner au bon vin.

Entre Bardolphe.

Eh bien, Bardolphe ?

bardolphe.

Toute l’armée est licenciée et partie.

falstaff.

Qu’elle parte. Moi, je vais passer par le Glocestershire, et là faire visite à maître Robert Shallow, écuyer. Je l’ai déjà pétri entre mon index et mon pouce, et bientôt je le revêtirai de mon sceau. Partons.

Ils sortent.