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LA PATRIE.

quences du meurtre de ses neveux : il perd le trône et la vie. Quoi que fasse Richard II, il ne saurait échapper aux conséquences du meurtre de Glocester, il perd le trône et la vie. Même cause, même effet. La victoire de Malcolm dans le premier drame, de Richmond dans le second, de Bolingbroke dans le troisième, est la triple manifestation d’une nécessité identique.

Mais la génération des événements ne s’interrompt jamais. Le présent, né du passé, donne sans cesse naissance à l’avenir. Le triomphe de Bolingbroke, effet nécessaire de faits antérieurs, devient lui-même la cause nécessaire de faits ultérieurs. Les forces, les intérêts, les idées que ce triomphe a violemment comprimés, se retournent violemment contre lui, conformément à cette loi suprême d’antinomie qui veut que toute action provoque une réaction. Cette même loi qui, dans les temps modernes, soulèvera contre la révolution de 1688 la rébellion de l’Irlande et contre la révolution de 1789 la révolte de la Vendée, suscite contre la révolution de 1399 deux insurrections successives, également infructueuses. La première insurrection, formée par la ligue des Percys, de Douglas et d’Owen Glendower, et anéantie à Shrewsbury en 1403, occupe la première partie de Henry IV. La seconde, formée par la ligue de l’archevêque d’York, de lord Bardolph et du comte de Northumberland, et défaite en 1407 à Braham Moor, occupe la seconde partie.

Le règne de Henry IV est la réplique historique au règne de Richard II. Les mêmes éléments sont en lutte, mais les situations sont retournées. Naguère c’était la révolution nationale qui se soulevait contre la royauté de droit divin. Aujourd’hui, c’est la royauté de droit divin qui s’insurge contre la révolution nationale. De offensive la révolution nationale a passé à la défensive.