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RICHARD II.

la duchesse.

— Eh bien, soit !… Adieu, vieux Jean de Gand, tu vas à Coventry voir — combattre notre neveu Hereford et le féroce Mowbray. — Oh ! puissent les injures de mon mari peser sur la lance de Hereford, — en sorte qu’elle traverse la poitrine du boucher Mowbray ! — Ou si par malheur le premier élan est manqué, — puissent les crimes de Mowbray être un tel poids pour son cœur — qu’ils brisent les reins de son coursier écumant, — et culbutent le cavalier dans la lice, — jetant le misérable à la merci de mon neveu Hereford ! — Adieu, vieillard ; la femme de ton ci-devant frère — doit finir sa vie avec la Douleur, sa compagne.

jean de gand.

— Sœur, adieu. Il faut que j’aille à Coventry. — Puisse le bonheur rester avec toi, comme partir avec moi !

la duchesse.

— Un mot encore… La douleur rebondit où elle tombe, — non qu’elle soit vide et creuse, mais par l’effet de sa lourdeur. — Je prends congé de toi avant d’avoir rien dit ; — car le chagrin ne finit pas quand il paraît épuisé. — Recommande-moi à mon frère, Edmond York. — Là, c’est tout… Non, ne t’en va pas ainsi. — Quoique ce soit là tout, ne pars pas si vite… — Je vais me rappeler autre chose… Dis-lui… Oh ! quoi ?… — dis-lui de venir me voir bien vite à Plashy. — Hélas ! et que verra là ce bon vieux York ? — Rien que des logements vides, des murailles dégarnies, — des offices dépeuplés, des dalles désertées ! — Et qu’y entendra-t-il ? pour acclamations, rien que mes gémissements ! — Recommande-moi donc à lui ; qu’il n’aille pas là-bas — chercher la douleur : elle y est partout. — Désolée, désolée, je vais partir d’ici et mourir. — C’est le dernier adieu que te disent mes yeux en pleurs.

Ils sortent.