Aller au contenu

Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 15.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
129
SONNETS.

de t’acquitter ainsi en créant un autre toi-même, dix fois plus heureux si tu rends dix pour un ; car dix autres toi-même multiplieraient d’autant ton bonheur, si dix enfants te reproduisaient dix fois. Que pourrait donc faire la mort si tu quittais ce monde, en y restant vivant dans ta postérité ?

Ne sois pas égoïste ; car tu es trop beau pour être la conquête de la mort et faire des vers tes héritiers.

CXXVII

Regarde ! à l’orient, quand le soleil gracieux lève sa tête brûlante, tous les yeux ici-bas rendent hommage à son apparition nouvelle, en saluant du regard sa majesté sacrée ;

Et même, quand il a gravi la hauteur escarpée du ciel, semblable à la forte jeunesse dans sa plénitude, les regards mortels adorent encore sa beauté et l’escortent dans son pèlerinage d’or.

Mais, quand du zénith suprême, sur son char alourdi, il va, comme la vieillesse, chancelant au crépuscule, les yeux jusque-là respectueux se détournent de ce météore déchu et regardent ailleurs.

Toi, de même, quand tu auras dépassé ton midi, tu mourras inaperçu, à moins que tu n’aies un fils.

CXXVIII

Toi dont la voix est une musique, pourquoi écoutes-tu si mélancoliquement la musique ? Ce qui est doux ne heurte pas ce qui est doux ; la joie se plaît à la joie. Pour-