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SONNETS.

songe, pour m’attribuer plus que je ne mérite, et que vous ne couvriez ma vie éteinte de plus de louange que n’en accorderait spontanément l’avare vérité.

Oh ! pour que votre amour si vrai ne paraisse pas menteur dans un éloge immérité fait de moi par votre indulgence, que mon nom soit enterré avec mon corps, plutôt que de me survivre pour votre confusion et pour la mienne.

Car j’ai honte du peu que je vaux, et vous auriez honte aussi de votre amour pour un être indigne.

CXLVII

Mais résigne-toi : quand le fatal arrêt, qui n’admet pas de caution, m’emportera de ce monde, ma vie se retrouvera dans ces vers qui resteront toujours avec toi comme un mémorial.

Quand tu les reverras, tu reconnaîtras la part même de mon être qui t’a été consacrée. La terre ne peut avoir de moi que le peu de terre qui lui est dû ; toi, tu auras mon esprit, la meilleure partie de moi-même.

Ainsi tu n’auras perdu de ma vie que la lie, la proie des vers, mon corps mort, lâche conquête du couteau d’un misérable (17), trop vile pour mériter ton souvenir.

La seule chose précieuse est ce que ce corps contient ; et cette chose est à toi, et elle te reste à jamais.

CXLVIII

Ou je vivrai pour faire votre épitaphe, ou vous me survivrez quand je serai pourri en terre ; ainsi la mort ne