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VÉNUS ET ADONIS.

l’amour a creusée là, pour pouvoir, au cas où lui-même succomberait, être enseveli dans une tombe si simple, devinant bien que, s’il y était jamais déposé, il ne pourrait mourir où respire l’amour.

XLII

Ces replis aimables, ces fosses d’une rondeur enchanteresse s’ouvrent pour engloutir la passion de Vénus. Affolée déjà, comment alors retrouverait-elle sa raison ? Déjà frappée à mort, qu’a-t-elle besoin d’un second coup ? Pauvre reine d’amour, délaissée dans ton propre empire, se peut-il que tu aimes un visage qui ne te sourit que par dédain ?

XLIII

Maintenant quelle voie prendra-t-elle ? que dira-t-elle ? Elle a épuisé les paroles et n’a fait qu’augmenter ses maux. Le temps s’est écoulé, son amant veut s’enfuir et tâche de se dégager de ses deux bras qui l’étreignent : « Pitié ! s’écrie-t-elle, une faveur ! une tendresse ! » Il s’échappe et se précipite vers son cheval.

XLIV

Mais, tenez ! d’un taillis voisin, une cavale de race espagnole, vigoureuse, jeune et superbe, aperçoit le coursier frémissant d’Adonis ; elle accourt, s’ébroue et hennit bruyamment. Le destrier à la forte encolure, étant attaché à un arbre, brise ses rênes et va droit à elle.

XLV

Il s’élance impérieusement, il hennit, il bondit, et fait éclater la trame de ses sangles. Il blesse de son dur sabot