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VÉNUS ET ADONIS.

te tenait en son pouvoir, prodigieux danger ! il déracinerait toutes ces beautés comme il déracine l’herbe.

CVII

» Oh ! laisse-le à jamais dans son antre immonde ; ce qui est beau n’a rien à faire avec de si affreux ennemis ; ne t’expose pas volontairement à ses coups. Ceux qui prospèrent prennent conseil de leurs amis. Quand tu as parlé du sanglier, à ne te rien dissimuler, j’ai redouté ton sort et j’ai tremblé de tous mes membres.

CVIII

» N’a-tu pas remarqué mon visage ? N’a-t-il point blanchi ? N’as-tu pas vu les signes de la crainte poindre dans mon regard ? Ne me suis-je point sentie défaillir ? Et ne suis-je pas tombée à la renverse ? Dans mon sein, sur lequel tu reposes, mon cœur effrayé palpite, bat, s’émeut sans cesse, et te soulève, comme un tremblement de terre, au-dessus de ma poitrine.

CIX

» Car là où règne l’amour, le soupçon inquiet s’installe comme la sentinelle de l’affection ; il donne de fausses alarmes, fait craindre la révolte, et en pleine paix crie : Tue, tue ! empoisonnant à son gré le doux amour, comme l’air et l’eau abattent la flamme.

CX

» Ce délateur amer, cet espion boute-feu, ce ver rongeur qui dévore la tendre tige de l’amour, ce rapporteur,