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VÉNUS ET ADONIS.

par leurs regards ; celui-ci, comme un roi affligé sur son trône, a poussé à leur suggestion un mortel gémissement.

CLXXV

Sur quoi chaque organe tributaire a frémi. De même que le vent, emprisonné dans le sol, ébranle, pour se frayer passage, les fondements de la terre avec une violence qui glace les hommes de terreur, ainsi la convulsion agite si brusquement Vénus tout entière, que ses yeux sortent encore une fois de leurs sombres lits.

CLXXVI

Ils s’ouvrent, et jettent un regard involontaire sur la large plaie creusée par le sanglier dans le doux flanc d’Adonis ; sa blancheur de lis est inondée de larmes pourpres que pleure sa blessure. Pas une fleur aux environs, pas un gazon, pas une plante, pas une feuille, pas une herbe qui n’ait dérobé de son sang et ne semble saigner avec lui.

CLXXVII

La pauvre Vénus remarque cette sympathie solennelle ; elle incline la tête sur une épaule ; elle souffre silencieusement, elle délire frénétiquement ; elle croit qu’il ne pouvait mourir, qu’il n’est pas mort. Sa voix est étouffée, ses genoux oublient de fléchir ; insensés sont ses yeux d’avoir pleuré avant ce moment fatal !

CLXXVIII

Elle regarde si fixement la plaie que sa vue éblouie la lui fait paraître triple ; et alors elle reproche à ses yeux