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LE VIOL DE LUCRÈCE.

CCL

À la surface sombre et déjà figée de ce sang noir s’étend un halo aqueux qui semble pleurer sur la souillure ; et depuis lors, comme en souvenir des malheurs de Lucrèce, le sang corrompu est toujours mêlé à quelque humeur, tandis que le sang pur reste empourpré, comme s’il rougissait de cette putréfaction.

CCLI

« Ma fille ! ma chère fille ! s’écrie le vieux Lucrétius, elle était à moi cette vie que tu viens d’anéantir. Si dans l’enfant est l’image du père, où vivrai-je maintenant que Lucrèce est sans vie ? Ce n’était pas pour cela que tu étais née de moi. Si les enfants précèdent les pères dans la tombe, nous sommes leur postérité, ils ne sont pas la nôtre.

CCLII

» Pauvre glace brisée, j’ai souvent vu dans ton doux reflet ma vieillesse rajeunie ; mais ce miroir, naguère si frais et si brillant, maintenant terni et délabré, ne me montre plus qu’un squelette usé par le temps. Oh ! tu as arraché mon image de tes joues, et tellement terni la beauté de mon miroir, que je ne puis plus voir ce que j’étais jadis.

CCLII

» Ô temps, suspens ton cours, et ne dure pas davantage, si ceux-là cessent d’exister qui devraient survivre ! La mort putride doit-elle triompher des forts, et laisser la