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LE PÈLERIN PASSIONNÉ.

femmes, en se dissimulant sous des dehors trompeurs, ces malices et ces enfantillages qui sont chez elles autant de piéges, le galant qui marche dessus ne les connaîtra pas. N’as-tu pas maintes fois ouï dire que le nenni d’une femme équivaut à néant ?

Songe que les femmes aiment avoir affaire aux hommes, et non à vivre ainsi comme des saintes ; il n’y a de ciel pour elles et elles ne se convertissent que quand l’âge les y condamne. Si de froids baisers étaient toutes les jouissances du lit, une femme se contenterait d’en épouser une autre.

Mais doucement ; c’est assez, c’est même trop, j’en ai peur. Car si ma belle entend ma chanson, elle n’hésitera pas à me tirer l’oreille, pour m’apprendre à avoir la langue si longue. Pourtant elle rougira, avouons-le, mais c’est d’entendre ainsi révéler ses secrets.

XVII

C’était un jour du joyeux mois de mai ; j’étais assis dans l’ombre charmante que faisait un bosquet de myrtes. Le bétail bondissait, et les oiseaux chantaient ; les arbres poussaient et les plantes germaient ; tout bannissait la désolation, tout, excepté le rossignol.

Lui, pauvre oiseau, comme délaissé, appuyait sa gorge contre un buisson, et là chantait un lamentable refrain qui faisait peine à entendre. Tantôt il criait : Fi ! fi ! fi ! tantôt : Térée ! Térée ! À l’entendre ainsi se plaindre, je pouvais à peine retenir mes larmes ; car sa douleur, si vivement exprimée, me faisait songer à la mienne.

Ah ! pensais-je, en vain tu te lamentes ! Personne n’a pitié de ta peine. Les arbres insensibles ne peuvent pas t’entendre ; les bêtes inexorables ne veulent pas te consoler ; le roi Pandion est mort ; tous tes amis sont enve-