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INTRODUCTION.

qu’en promettant solennellement que Marcius comparaîtra sur la place publique pour justifier sa conduite. Ménénius a pris là, sans l’aveu de son ami, un engagement bien grave. Cet engagement, Coriolan voudra-t-il le tenir ?

Ici se place une scène de famille, tout entière ajoutée par le poëte à l’histoire. Dans le récit de Plularque, Coriolan s’offre spontanément à faire des excuses au peuple : « Marcius adonc se levant en pieds dit qu’il s’en allait de ce pas présenter volontairement au peuple pour se justifier de cette imputation, et s’il était prouvé qu’il y eût seulement pensé, qu’il ne refusait aucune sorte de punition. Le Coriolan de Shakespeare est bien trop superbe pour se soumettre si aisément à la juridiction populaire. Il rentre chez lui, exaspéré par les violences de la multitude : son ressentiment contre les plébéiens est devenu de la frénésie. Que vient-on lui parler de faire amende honorable à cette canaille ? Coriolan « ne changerait pas de conduite, quand tous ces furieux s’acharneraient contre lui, quand ils lui présenteraient la mort sur la roue, ou à la queue des chevaux indomptés, quand, pour l’en précipiter, ils entasseraient dix collines sur la roche Tarpéienne. » En vain les politiques du parti patricien insistent pour que Marcius fasse une démarche auprès du peuple : il reste sourd aux avis des sénateurs, aux sollicitations du consul, aux prières du cher Ménénius. C’est alors que Volumnie intervient pour le décider. Marcius s’étonne hautement d’entendre sa mère lui conseiller une rétractation ; n’est-ce pas Volumnie qui, dès l’enfance, lui a inculqué l’horreur et le mépris du monstre à mille têtes ? N’est-ce pas elle qui lui a prêché la dureté envers le peuple ? Pourquoi aujourd’hui lui conseille-t-elle la douceur ? Elle veut donc qu’il soit traître à son caractère ! — Volumnie ne saurait réfuter cette éloquente argumentation. C’est bien elle, en effet, qui a inspiré à Marcius toutes ses antipathies patriciennes.