Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 9.djvu/309

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
307
SCÈNE XII.

À Kent.

Allons ! mène-nous à cette hutte.

Sortent Lear et Kent.
le fou.

La belle nuit à refroidir une courtisane !… — Je vais dire une prophétie avant de partir :

Quand les prêtres seront plus verbeux que savants,
Quand les brasseurs gâteront leur bière avec de l’eau,
Quand les nobles enseigneront le goût à leur tailleur,
Qu’il n’en cuira plus aux hérétiques, mais seulement aux coureurs de filles ;
Quand tous les procès seront dûment jugés,
Quand il n’y aura plus d’écuyer endetté ni de chevalier pauvre,
Quand la calomnie n’aura plus de langue où se poser,
Que les coupe-bourses ne viendront plus dans les foules,
Quand les usuriers compteront leur or en plein champ,
Que maquereaux et putains bâtiront des églises,
Alors le royaume d’Albion
Tombera en grande confusion,
Alors viendra le temps où qui vivra verra
Les gens marcher sur leurs pieds.

Voilà la prophétie que Merlin fera un jour ; car je vis avant son temps.

Il sort (51).

SCÈNE XII.
[Dans le château de Glocester.]
glocester.

Hélas ! hélas ! Edmond, je n’aime pas cette conduite dénaturée. Quand je leur ai demandé la permission de le prendre en pitié, ils m’ont retiré le libre usage de ma propre maison, et, sous peine de leur perpétuel déplaisir, m’ont défendu de parler de lui, d’intercéder pour lui et de lui prêter aucun appui.

edmond.

Que cela est sauvage et dénaturé !