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LE ROI LEAR.

glocester.

Qui êtes-vous, là ? Vos noms ?

edgar.

Le pauvre Tom, celui qui mange la grenouille plongeuse, le crapaud, le têtard, le lézard de muraille et le lézard d’eau ; celui qui, dans la furie de son cœur, quand se démène le noir démon, mange la bouse de vache pour salade, dévore les vieux rats et les chiens noyés, avale l’écume verdâtre des marécages stagnants ; celui qui, d’étape en étape, est fouetté, mis aux ceps, puni et emprisonné, et qui pourtant a eu trois costumes pour son dos, six chemises pour son corps, un cheval entre ses jambes et une épée à son côté.

Mais les souris et les rats et toutes ces menues bêtes fauves
Ont été l’aliment de Tom pendant sept longues années.

Gare, mon persécuteur !… Paix, Smolkin ! Paix, démon ! (56)

glocester, à Lear.

Quoi ! Votre Grâce n’a pas de meilleure compagnie ?

edgar.

— Le prince des ténèbres est gentilhomme ; — il a noms Modo et Mahu (57).

glocester, à Lear.

— Notre chair et notre sang, milord, se sont tellement corrompus — qu’ils détestent qui les engendre.

edgar.

Pauvre Tom a froid.

glocester, à Lear.

— Rentrez avec moi ; ma loyauté ne peut se résigner — à obéir en tout aux ordres cruels de vos filles. — Elles ont eu beau m’enjoindre de barrer mes portes — et de vous laisser à la merci de cette nuit tyrannique ; — je me suis néanmoins aventuré à venir vous chercher, — pour vous ramener là où vous trouverez du feu et des aliments.