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APPENDICE.

Ne peut à son père estriver[1],
Ni il ne la veut écouter.
Comme il ains pot n’i demora[2] ;
Les deux aînées maria.
Mariée fut bien chacune,
Au duc de Cornuaille l’une
Et au duc d’Escoce l’aînée ;
Si fut la chose pourparlée
Que après lui la terre auroient
Et entr’eux deux la partiroient.
Cordéille qui fut li mendre
N’en put el faire, fors attendre[3] ;
Ni je ne sais qu’elle a féist.
Le roi nul bien ne lui promît,
Ni il, tant fut fel, ne sofri[4]
Que en sa terre eut mari.
La mescine[5] fut angoisseuse
Et moult marrie et moult honteuse
Plus pour ce qu’à tort la haoit[6],
Que pour le prou qu’elle en perdoit.
La pucelle fut moult dolente,
Mais ne portant belle ert et gente.
Et moult en étoit grand parlance.
Aganippus, un roi de France,
Ouit Cordéille nommer,
Et qu’elle étoit à marier.
Brefs et messages envoya,
Au roi Léir si lui manda
Que sa fille à moillier vouloit[7],
Envoyât lui, il la prendroit.
Léir n’avoit mie oublié
Comment sa fille l’eût aimé,

  1. Estriver, s’expliquer.
  2. Il ne resta pas à son regard ce qu’il avait été.
  3. Cordeille qui était la moindre (la plus petite) ne put rien faire qu’attendre.
  4. Il souffrit pas, tant il fut cruel, qu’elle eût un mari dans sa terre.
  5. Mescine, fillette.
  6. Haoit, haïssait.
  7. Moillier, épouse.