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EXTRAIT DU ROMAN DE BRUT.

Et les leurs les nôtres esquivent.
Qui pourroit souffrir si grant presse ?
Il est faux et sa gent perverse,
Jà n’aura hom gré qui le sert[1] ;
Qui plus y met et plus y perd.
Moult est fous qui tel gent conroie.
Trop en i a, tignent lor voie[2].
Mes pères est soi cinquantisme,
Désormais soit soi quarantisme
Ensamble od nous, où il s’en alt
A tot son poeple, et nous que calt[3] ?
Moult a poi feme sans visse[4]
Et sans racine d’avarice.
Tant a la dame admonesté
Et tant à son seigneur parlé,
De cinquante le mît à trente,
De vingt lui retailla sa rente.
Et le père ce dédaigna ;
Grant avillance lui sembla[5]
Qu’ainsi l’avoit-on fait descendre.

Allé est à son autre gendre,
Hennin qui Ragaü avoit
Et qui en Escoce manoit.
Mais n’y eut mie un an été
Qu’ils l’eurent mis en celle vilté :
Se mal fu ains, or est mult pis[6] ;
De trente homme l’ont mis à dix,
Puis le mirent de dix à cinq,
« Caitif moi, dit-il, mar i vinc,
Se vix sui la, plus vils sui ça[7]. »
À Gornorile s’avala,

  1. Il ne saura gré à personne de le servir.
  2. Bien fou qui défraie tant de gens ; il y en a trop, qu’ils partent.
  3. Qu’il ne garde plus qu’une quarantaine d’hommes chez nous, ou qu’il s’en aille avec tout son monde, n’importe où.
  4. Il y a bien peu de femmes sans vice.
  5. Grand avilissement lui sembla.
  6. Si les choses ont été mal auparavant, elles sont bien pires à présent.
  7. Misérable que je suis, je suis venu ici pour mon malheur ; plus j’y resterai, plus je serai avili.