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EXTRAIT DES MÉMOIRES DE CAVENDISH.

je vous en conjure, quoique je comprenne le latin.

— Eh bien donc, madame, dit milord, s’il plaît à Votre Grâce, nous venons pour savoir comment vous êtes disposée à agir dans l’affaire pendante entre le roi et vous, et aussi pour vous communiquer secrètement les avis et les conseils que nous suggèrent notre zèle et notre déférence pour Votre Grâce.

— Milords, dit-elle, je vous remercie de vos bonnes volontés, mais je ne puis si brusquement répondre à votre requête. Car j’étais à l’ouvrage au milieu de mes femmes, bien loin de songer à cette affaire, où il me faudrait une longue réflexion et une tête meilleure que la mienne pour répondre à de nobles savants comme vous. J’aurais besoin de bons conseils dans un cas qui me touche de si près ; et tous les conseils et toutes les sympathies que je pourrais trouver en Angleterre ne sauraient être dans mon intérêt ni pour mon bien. Croyez-vous, je vous le demande, milords, qu’aucun Anglais voudrait être mon conseiller ou mon ami contre la volonté du roi ? Non, sur ma foi, milords ! Les conseillers en qui j’entends mettre ma confiance ne sont pas ici ; ils sont en Espagne, dans mon pays natal. Hélas ! milords, je suis une pauvre femme dépourvue de l’esprit et de l’intelligence nécessaires pour répondre à des savants, éprouvés comme vous, dans une affaire aussi importante. Je vous prie d’user avec bienveillance et impartialité de la supériorité que vous avez sur moi, car je suis une simple femme, privée d’amis et de conseils sur une terre étrangère ; et, quant à vos conseils, loin de les repousser, je serai bien aise de les entendre.

Et sur ce, elle prit milord par la main, et le conduisit, ainsi que l’autre cardinal, dans son appartement privé, où il y eut entre eux une longue conférence. Nous, de l’autre chambre, nous pouvions parfois entendre la reine