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SCÈNE V.

ment — de vous avoir ainsi fermé la porte. — Croyez-moi, retirez-vous tranquillement, — et allons dîner au Tigre ; — puis, vers le soir, vous reviendrez seul — savoir le motif de cette étrange expulsion. — Si vous tentez d’entrer de vive force, — au moment le plus animé de la journée, — le vulgaire fera là-dessus des commentaires. — Contre votre réputation encore intacte, — la multitude élèvera des soupçons odieux — qui pourront plus tard forcer la porte de votre tombeau — et peser sur vous jusque dans la mort. — Car la calomnie se perpétue comme par succession ; — dès qu’elle s’est logée quelque part, elle s’y fixe à jamais.

antipholus d’éphèse.

— Vous m’avez décidé. Je vais partir en paix, — et, si difficile que me soit la gaieté, je prétends m’égayer. — Je connais une donzelle d’une conversation charmante, — jolie et spirituelle, mauvaise et pourtant bonne. — C’est chez elle que nous dînerons ; à propos de cette fille — ma femme (sans motif, je le jure), — m’a souvent fait la guerre. — Nous irons dîner chez elle.

À Angelo.

Retournez chez vous — chercher la chaîne ; elle doit être terminée maintenant ; — rapportez-la-moi, je vous prie, au Porc-Épic ; — c’est là le logis. La chaîne, — quand ce ne serait que pour vexer ma femme, — j’en ferai cadeau à mon hôtesse ; dépêchez-vous, cher monsieur. — Puisque ma propre porte me refuse l’hospitalité, — j’irai frapper ailleurs, et je verrai si on m’y repousse.

àngelo.

— J’irai vous rejoindre là, dans une heure environ.

antipholus d’éphése.

— Faites. Cette plaisanterie-là me coûtera un peu cher.

Ils sortent.