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LA COMÉDIE DES ERREURS.

tant, dis-moi, est-ce que tu ne reconnais pas ma voix ?

antipholus d’éphèse.

— Pas davantage.

égéon.

Ni toi non plus, Dromion ?

dromion d’éphèse.

— Non, monsieur, ma foi, ni moi non plus.

égéon.

Je suis sûr que tu la reconnais. —

dromion d’éphèse.

Oui-dà monsieur. Mais-moi je suis sûr que non : et quand un homme nie une chose, vous êtes, vous particulièrement, tenu de le croire.

égéon.

— Ne pas reconnaître ma voix ! Ô temps rigoureux ! — as-tu donc fêlé et cassé ma pauvre voix, — en sept courtes années, au point que mon fils unique — n’en reconnaît pas le faible son, faussé par les souffrances ? — Bien que l’hiver, qui épuise toute sève, ait couvert — ma face flétrie d’une bruine de neige, — et que tous les canaux de mon sang soient glacés, — pourtant le crépuscule de ma vie a encore un peu de mémoire, — ma lampe mourante a encore une vague lueur, — mes oreilles assourdies peuvent encore entendre un peu ; — et tous ces vieux témoins, je ne me trompe pas, — me disent que tu es mon fils Antipholus.

antipholus d’éphèse.

— Je n’ai jamais vu mon père de ma vie.

égéon.

— Mais il n’y a pas sept ans, enfant, qu’à Syracuse — nous nous sommes quittés, tu sais bien ; mais peut-être, mon fils, — as-tu honte de me reconnaître dans mon malheur.

antipholus d’éphèse.

— Le duc et tous ceux qui me connaissent dans la cité