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LE SOIR DES ROIS ou CE QUE VOUS VOUDREZ.

olivia.

— Si c’est encore la même chanson, monseigneur, — elle est aussi fastidieuse et aussi désagréable à mon oreille — qu’un hurlement après une musique.

le duc.

Toujours aussi cruelle ?

olivia.

— Toujours aussi constante, milord.

le duc.

— Dans quoi ? dans la perversité ! Femme implacable, — à vos autels ingrats et néfastes — mon âme n’a-t-elle pas murmuré les offres les plus ferventes — que jamais ait imaginées la dévotion ? Que puis-je faire ?

olivia.

— Ce que voudra monseigneur, pourvu que ce soit digne de lui.

le duc.

— Pourquoi, si j’en avais le cœur, ne ferais-je pas — comme le bandit d’Égypte au moment de mourir, — et ne tuerais-je pas ce que j’aime (35) ? Jalousie sauvage, — mais qui parfois a de la noblesse ! Écoutez ceci : — puisque vous jetez ma foi au rebut, et que je crois connaître l’instrument — qui me retire ma place légitime dans votre faveur, — vivez, vivez toujours, despote au cœur de marbre ; — mais ce mignon que vous aimez, je le sais, — et que moi-même, j’en jure par le ciel, je chéris tendrement, — je vais l’arracher à ce regard cruel — où il trône pour l’humiliation de son maître. — Viens, page, viens avec moi ; mes pensées sont mûres pour l’immolation ; — je vais sacrifier l’agneau que j’aime, — pour dépiter cette colombe au cœur de corbeau !

Il va pour sortir.
viola, le suivant.

— Et moi, avec joie, avec bonheur, avec empressement,