Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1867, tome 1.djvu/241

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

228

LA COMÉDIE DES MÉPRISES.

ANTIPHOLUS DE SYRACUSE. — Autant vaudrait fermer les yeux, mon doux amour, que de regarder la nuit.

LUCIANA. — Pourquoi m’appelez-vous votre amour ? appelez ainsi ma sœur.

ANTIPHOLUS DE SYRACUSE. — La sœur de ta sœur.

LUCIANA. — C’est ma sœur.

ANTIPHOLUS DE SYRACUSE. — Non, c’est toi-même, toi la meilleure partie de moi-même, l’œil lumineux de mon œil, le cher cœur de mon cœur, ma vie, ma fortune, le but de mon doux espoir, mon seul paradis sur terre et mon ambition au paradis.

LUCIANA. — C’est ma sœur qui est ou qui devrait être tout cela.

ANTIPHOLUS DE SYRACUSE. — Appelle-toi toi-même ta sœur, chérie, car c’est toi que j’espère ; c’est toi que j’aimerai, avec toi que je passerai ma vie ; tu n’as pas encore d’époux, et moi pas encore de femme : donne-moi ta main.

LUCIANA. — Oh ! doucement, Monsieur, tenez-vous tranquille ; je vais aller chercher ma sœur pour lui demander son consentement. (Elle sort.)

Entre en courant DROMIO DE SYRACUSE.

ANTIPHOLUS DE SYRACUSE. — Qu’y a-t-il donc, Dromio, où cours-tu si vite ?

DROMIO DE SYRACUSE. — Me connaissez-vous, Monsieur ? suis-je Dromio ? suis-je un homme à votre service ? suis-je moi-même ?

ANTIPHOLUS DE SYRACUSE. — Tu es Dromio, tu es un homme à mon service, tu es toi-même.

DROMIO DE SYRACUSE. — Je suis un âne, je suis l’homme d’une femme, et de plus je suis moi-même.

ANTIPHOLUS DE SYRACUSE. — Comment es-tu l’homme d’une femme, et comment en outre es-tu toi-même ?

DROMIO DE SYRACUSE. — Parbleu, Monsieur, outre que je suis moi, j’appartiens encore à une femme, à une femme qui me réclame, qui me poursuit, qui vent m’avoir.