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ACTE II, SCÈNE I. 37

attention ; m’écouter, c’est vous faire le triple de vous-même.

SÉBASTIEN. — Oui, mais je suis une eau stagnante.

ANTONIO. — Je vous apprendrai à couler.

SÉBASTIEN. — Fais cela, car une paresse héréditaire m’enseigne à refluer.

ANTONIO. — Oh ! si vous saviez combien vous chérissez ce projet au moment même où vous le raillez ! combien, plus vous cherchez à le dépouiller et plus vous le parez ! Les hommes de reflux touchent bien souvent tout près du fond par leurs craintes et leur indolence même.

SÉBASTIEN. — Je t’en prie, explique-toi mieux ; là fixité de ton regard, l’expression rigide de tes traits proclament une pensée qui veut sortir de toi et dont l’accouchement te coûte de douloureux efforts.

ANTONIO. — M’y voici, seigneur. Quoique ce gentilhomme à la faible mémoire, qui, une fois enterré, en laissera chez les autres moins encore qu’il n’en a lui-même, ait presque persuadé au roi — car c’est l’homme de la persuasion, et il n’a pas d’autre emploi que persuaderque son fils est vivant, il est tout aussi impossible qu’il ne se soit pas noyé qu’il l’est à ce dormeur-là de nager en ce moment.

SÉBASTIEN. — Je n’ai pas d’espoir qu’il sésoit sauvé.

ANTONIO. — Oh ! dans ce pas d’espoir quel grand espoir il y a pour vous ! Comme ce qui d’un côté s’appelle pas d’espoir conduit d’un autre à une espérance si haute, que l’œil de l’ambition ne peut monter une ligne au-dessus et qu’il doute plutôt que la portée de son regard soit assez forte pour l’atteindre ! M’accordez-vous que Ferdinand se soit noyé ?

SÉBASTIEN. — Il n’est plus.

ANTONIO. — Eh bien ! dites-moi, quel est après lui le plus proche héritier du trône de Naples ?

SÉBASTIEN. — : Claribel.

ANTONIO. — Celle qui est maintenant reine de Tunis ? Celle qui habite à dix lieues plus loin que ne pourrait atteindre un homme qui voyagerait toute sa vie 9 ? Celle