Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1867, tome 3.djvu/392

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Viola. — Pour répondre méthodiquement, du premier chapitre de son cœur.

Olivia. — Oh ! je l’ai lu ; c’est hérésie pure. N’avez-vous rien d’autre à me dire ?

Viola. — Bonne Madame, laissez-moi voir votre visage.

Olivia. — Est-ce que vous avez reçu commission de votre seigneur pour négocier avec mon visage ? Vous êtes maintenant hors de votre texte ; mais nous allons tirer le rideau et vous montrer le portrait. Voyez, Monsieur, je ressemble exactement à celle qui était ici présente : le portrait n’est-il pas bien exécuté ? (Elle s’est dévoilée.)

Viola. — Admirablement bien, si c’est Dieu qui l’a fait tout entier.

Olivia. — II est sur matière solide, Monsieur ; il supportera le vent et la pluie.

Viola. — Les couleurs en sont admirablement fondues et c’est la main délicate et habile de la nature elle-même qui en a posé le rouge et le blanc : vous êtes, Madame, la femme la plus cruelle qui existe si vous avez l’intention de porter ces grâces au tombeau, sans en laisser au monde une copie.

Olivia. — Ô Monsieur, je n’aurai pas le cœur si dur ; je donnerai plusieurs listes de ma beauté : elle sera inventoriée, et chaque détail et particularité en seront couchés sur mon testament ; exemple : item deux lèvres d’un rouge passable ; item deux yeux gris avec des paupières ; item un cou, un menton et ainsi de suite. Avez-vous été envoyé ici pour faire mon estimation ?

Viola. — Je vois ce que vous êtes, vous êtes trop orgueilleuse ; mais quand bien même vous seriez le diable, vous êtes belle. Mon Seigneur et maître vous aime. Oh ! un tel amour ne peut être que récompensé, quand bien même vous seriez couronnée comme la beauté sans pareille !

Olivia. — Comment m’aime-t-il ?

Viola. — Avec des adorations, des larmes abondantes, des gémissements qui tonnent l’amour et des soupirs de feu.

Olivia. — Votre maître connaît mon sentiment ; je ne