Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1867, tome 3.djvu/398

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aimât un rêve. Déguisement, tu es, je le vois une immoralité, dont l’artificieux ennemi peut tirer grand parti. Combien il est aisé aux beaux pervers d’imprimer leurs formes dans les cœurs de cire des femmes ! Hélas, la faute n’en est pas à nous, mais à notre fragilité ; car nous ne sommes que ce que nous avons été faites. Comment cela se passera-t-il ? mon maître l’aime tendrement ; moi pauvre monstre, je l’adore lui autant qu’il l’adore elle, et elle, abusée, semble raffoler de moi. Qu’adviendra-t-il de cela ? Comme je suis homme, je n’ai pas à espérer l’amour de mon maître, et comme je suis femme, hélas ! quels soupirs inutiles poussera la pauvre Olivia ! O temps, c’est toi et non moi qui dois aplanir toutes ces difficultés ; c’est un nœud trop serré pour que ce soit moi qui le dénoue. (Elle sort.)


Scène III

Un appartement dans la demeure d’Olivia
Entrent Messire TOBIEBELCH et Messire ANDRÉ AGUECHEEK.

Messire Tobie. — Approche, messire André : n’être pas couché après minuit, équivaut à être levé de bonne heure ; et diluculo surgere, tu sais…

Messire André. — Non, sur ma foi, je ne sais pas ; mais ce que je sais, c’est que se coucher tard, c’est se coucher tard.

Messibe Tobie. — Fausse conclusion, je la déteste comme un broc vide. Être levé après minuit et aller ensuite au lit, c’est se coucher de bonne heure : ainsi se coucher après minuit, c’est se coucher de bonne heure. Ne sais-tu pas que notre vie se compose des quatre éléments ?

Messire André. — Ma foi, c’est ce qu’on dit ; mais je crois plutôt qu’elle se compose de boire et de manger.