Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1867, tome 3.djvu/459

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Le Bouffon. — Non, Madame, je lis seulement des folies : si Votre Seigneurie veut qu’elles soient lues comme il faut, elle doit me passer ma vox.

Olivia. — Je t’en prie, lis-la avec bon sens.

Le Bouffon. — C’est ce que je fais, Madonna, mais pour la lire avec bon sens, il faut la lire ainsi ; par conséquent, soyez attentive, ma princesse, et prêtez l’oreille.

Olivia, à Fabien. — Lisez-la, vous, maraud.

Fabien, lisant. — « Par le Seigneur, Madame, vous me faites injure et le monde le saura : quoique vous m’ayez mis dans les ténèbres et soumis à la tyrannie de votre ivrogne de cousin, j’ai cependant l’usage de mon bon sens aussi bien que Votre Seigneurie. J’ai en main votre propre lettre qui m’a pousse à prendre la figure que j’ai prise, et avec cette lettre je ne doute pas que je ne puisse me faire bon droit ou vous couvrir de honte. Pensez de moi comme il vous plaira. J’oublie quelque peu le respect que je vous dois, et je parle sous le ressentiment de l’injure qu’on m’a faite.

Malvolio traité en fou. »

Olivia. — A-t-il écrit cela ?

Le Bouffon. — Oui, Madame.

Le Duc. — Cela ne sent guère la folie.

Olivia. — Vois à le faire mettre en liberté, Fabien ; conduis-le ici. (Sort Fabien.) Monseigneur, qu’il vous plaise, une fois ces affaires terminées, d’avoir pour moi autant d’affection comme sœur que vous en auriez eu comme épouse : un même jour couronnera cette double alliance, s’il vous plaît, ici à ma maison et à mes propres frais.

Le Duc. — Madame, je suis très-disposé à accepter votre offre. (A Viola.) Votre maître vous quitte, mais en considération des services, si contraires à la dignité de votre sexe et si au-dessous de votre douce et tendre éducation, que vous lui avez rendus, et puisque si longtemps vous m’avez appelé maître, voici ma main ; à dater de cet instant vous serez la maîtresse de votre maître.