Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1869, tome 5.djvu/271

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264 LE ROI HENRI VI.

Somerset, Buckingham, Salisbury, vous, victorieux Warwick, vous, brave York, vous aurez reçu de profondes blessures en France et en Normandie ; quoi ! mon oncle Beaufort et moi-même, avec tout le sage conseil du royaume, nous aurons passé notre temps en études, nous serons restés assis dans la chambre du conseil de la première heure du matin jusqu’au soir bien tard, à discuter les moyens de tenir en respect la France et les Français ; quoi ! Son Altesse aura été couronnée à Paris dans son enfance, en dépit de tous ses ennemis, et il faudra perdre tous ces travaux et renoncer à tous ces honneurs ? Les conquêtes de Henri, la vigilance de Bedford, vos exploits de guerre, nos fatigues du conseil, tout cela sera perdu ? 0 pairs d’Angleterre, honteux est ce traité ! fatal ce mariage, qui annule votre gloire, efface vos noms des livres de mémoire, détruit les titres de votre renommée, rase les monuments qui racontaient la conquête de la France, et réduit tout à néant, absolument comme si rien n’avait jamais existé !

LE CARDINAL BEAUFORT. — Neveu, que signifie ce discours passionné, cette harangue si circonstanciée ? La France est à nous, et nous continuerons à la garder.

GLOCESTER. — Oui, mon oncle, nous la garderons, si nous pouvons ; mais maintenant, il est impossible que nous le puissions. Suffolk, le nouveau duc qui tient la queue de la poêle 2, a rendu les duchés d’Anjou et du Maine au pauvre roi René, dont les titres pompeux sont mal d’accord avec sa bourse maigre.

SALISBURY. — Par la mort de celui qui est mort pour nous tous, ces comtés étaient les clefs de la Normandie ! Mais pourquoi pleure Warwick, mon vaillant fils ?

WARWICK. — Je pleure de douleur qu’il soit impossible de les recouvrer ; car s’il y avait espoir de les recouvrer, mon épée répandrait du sang chaud, et mes yeux ne répandraient pas de larmes. L’Anjou et le Maine ! c’est moi qui les avais conquis tous deux ; ces deux provinces, ce sont ces bras qui les avaient soumises, et il faut maintenant que ces cités que j’avais gagnées avec