Aller au contenu

Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1869, tome 6.djvu/368

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ACTE IV, SCÈNE II. 335


Griffith, pendant que tu me conduisais, que ce célèbre fils de la Fortune, le cardinal Wolsey, était mort ?

GRIFFITH. — Oui, — Madame ; mais je crois que Votre Grâce, par suite des souffrances qu’elle endurait, n’y a pas prêté attention.

LA REINE CATHERINE. — Raconte-moi, je t’en prie, mon bon Griffith, comment il est mort. S’il est bien mort, il m’a précédée heureusement pour me servir d’exemple.

GRIFFITH. — Le bruit public affirme qu’il a fait une bonne fin, Madame. Lorsque le puissant comte de Northumberland l’eut arrêté à York et voulut l’emmener pour être interrogé sur les graves accusations qui l’avaient atteint, il tomba soudainement malade, et devint si faible, qu’il ne pouvait pas se tenir sur sa mule.

LA REINE CATHERINE. — Hélas ! le pauvre homme

GRIFFITH. — A là fin, il arriva à Leicester en voyageant à petites journées, et logea à l’abbaye, où le révérend abbé avec tout son couvent lui fit une réception honorable, et il lui dit ces mots : « père abbé, un vieillard brisé par les tempêtes politiques est venu reposer parmi vous ses os fatigués ; donnez-lui un peu de terre par charité ! » Puis il se mit au lit, où la maladie continua à le miner avec acharnement, et trois jours après, vers huit heures du soir, heure qu’il avait désignée lui-même comme devant être la dernière de sa vie, plein de repentir, après des méditations, des larmes et des lamentations continuelles, il rendit au monde ses dignités, au ciel la partie spirituelle de lui-même, et s’endormit en paix.

LA REINE CATHERINE. — Et puisse-t-il reposer au sein : de cette paix ! Puissent ses fautes peser doucement sur lui ! Cependant, Griffith, permets-moi d’en dire librement ce que j’en pense, sans manquer toutefois aux devoirs de la charité. C’était un homme d’une avidité sans bornes, se rangeant toujours sur la même ligne que les princes ; par les mesures qu’il a suggérées il a mis des liens à tout le royaume : la simonie était franc jeu pour lui ; sa propre opinion était sa loi : il vous mentait en face, et il fut toujours double dans ses paroles et dans ses ac-