Aller au contenu

Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1871, tome 8.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
392
MACBETH.

vient du combat, fumant de carnage, ivre de l’odeur du sang, et fou des voluptés du meurtre.

Macbeth n’ajouta pas d’abord grande foi à la prophétie ; mais lorsqu’il eut été nommé thane de Cawdor, il commença à s’en préoccuper. Cependant les sollicitations du diable ne furent réellement puissantes que lorsque Duncan eut créé-son fils aîné prince de Cumberland avant l’âge fixé par la loi écossaise ; Macbeth voyant ainsi lui échapper la couronne qu’il avait espérance de recueillir naturellement, céda enfin à l’enfer et aux conseils de sa femme Guach, assassina Duncan, et se fit proclamer roi à Scone.

Dans l’épisode de l’assassinat de Duncan, Shakespeare a fondu très-habilement un autre épisode qui se rencontre également dans Hollinshed et qui lui fournissait tous les détails dramatiques nécessaires. Ce ne fut pas le roi Duncan qui fut assassiné de la manière dont le représente Shakespeare, ce fut le roi Duffe. Un seigneur nommé Donewald, excité par sa femme comme Macbeth, et assisté par elle, enivra les deux chambellans chargés de veiller sur le roi pendant son sommeil, le tua et fit transporter son cadavre dans la campagne à quelques miles de là ; puis, au matin, lorsque le crime fut découvert, Donewald, qui avait eu soin de ne pas s’absenter, feignit d’entrer dans une grande colère et tua les deux chambellans. Les prodiges qui accompagnent dans Macbeth la mort de Duncan furent ceux qui accompagnèrent la mort de Duffe. Cette fusion de deux épisodes séparés par une date considérable, soixante ans environ, est la plus grosse entorse que Shakespeare ait donnée au récit d’Hollinsbed : anachronisme bien véniel à la vérité, puisqu’il a fourni à Shakespeare la matière poétique dont il avait besoin, et que les deux épisodes fondus en un seul se rapportent d’ailleurs à deux époques également barbares.

Macbeth commence par régner avec un semblant d’équité, mais bientôt sa nature cruelle l’emporte, et de la