Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/115

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JULIETTE. — En vérité, je ne serai jamais contente au sujet de Roméo, avant de le contempler... mort ; — mon pauvre cœur est-il assez torturé pour un parent9? Madame, si vous pouviez trouver un homme pour porter un poison, je le préparerais ; si bien que Roméo après l’avoir pris, sommeillerait bientôt en paix. Oh ! comme mon cœur abhorre de l’entendre nommer, — et comme j’ai peine de ne pouvoir m’approcher de lui — pour satisfaire l’amour que je portais, à mon cousin Tebaldo sur la personne de son meurtrier !

MADONNA CAPULET. — Trouve les moyens, et moi je trouverai l’homme. Mais j’ai à l’apprendre de joyeuses nouvelles, ma fille.

JULIETTE. — La joie vient bien à propos, car nous en avons grand besoin. Quelles sont ces nouvelles ? Je vous prie de me les dire, Madame.

MADONNA CAPULET. — Va, va, tu as un père qui t’aime bien, enfant ; un père qui pour te tirer de ta tristesse, vient de te ménager soudainement un jour de joie, que tu n’attendais pas et que je ne prévoyais point.

JULIETTE. — Cela tombe bien, Madame ; et qu’est-ce que ce jour-là ?

MADONNA CAPULET. — Pardi, mon enfant, jeudi prochain dans la matinée, ce jeune, brave et noble gentilhomme, le comte Paris, aura le bonheur de faire de toi, à l’église de Saint-Pierre, une joyeuse épouse.

JULIETTE. — Eh bien, par l’église de Saint-Pierre et par saint Pierre lui-même, il n’y fera nullement de moi une joyeuse épouse. Je m’étonne de cette précipitation, et qu’il me faille nie marier, avant que celui qui doit être mon mari m’ait fait la cour. Je vous en prie, Madame, dites à mon Seigneur et père que je ne veux pas me marier encore ; et quand je me marierai, ce sera à Roméo, que vous savez que je hais, plutôt qu’à Paris, je vous le jure : — voilà en effet des nouvelles !

MADONNA CAPULET. — Voici venir votre père ; dites-lui cela vous-même, et vous allez voir comment il va le prendre.