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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/27

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elle put trouver supplia son mari de la mener avec lui. « Cher Seigneur de mon âme, disait-elle, je raccourcirai ma longue chevelure, je me vêtirai comme un écuyer, et partout où il vous plaira d’aller, toujours je vous suivrai, et je vous servirai amoureusement. Et à quel serviteur pourriez-vous avoir confiance comme à moi ? Las, mon cher mari, faites-moi cette grâce et laissez-moi courir une même fortune avec vous, afin que celle qui sera la vôtre soit aussi la mienne. » Et maintenant rappelez-vous l’admirable passage de la Gerusalemme où Armide se traîne aux pieds de Renaud qui l’abandonne. Sprezzata ancella, a ohi fo più conservo Di questa chioma, or ch’a te fatta è vile ? Raccorcerolla : al titolo di serva Vos portamento accompagnar servile. Te seguirò, quando l’ardor più ferra Della battaglia entro la turba ostile. Animo ho bene, ho ben vigor che baste A condurti i cavalli, a portar l’aste.

La lecture de la nouvelle de Bandello nous montre une fois de plus combien facile relativement est la tâche du romancier comparée à celle de l’auteur dramatique. Il n’est personne qui en lisant le drame de Shakespeare n’ait été choqué et impatienté de la brusque décision du père Capulet au sujet du mariage de Juliette. Qui ne voit que dans la réalité les choses n’ont pu se passer ainsi, et avec cette précipitation ? Le poète dramatique n’a pas le temps d’attendre, et il lui faut brusquement pousser l’action, coûte que coûte. Mais Bandello nous explique très bien que les choses se passèrent le plus naturellement du monde. La décision de Capulet ne fut ni soudaine, ni tyrannique ; elle fut prise sagement, à la suite de longs conseils de famille, et fut un acte de débonnaireté paternelle. Après le départ de Roméo, Juliette tomba en proie à un chagrin muet qui la minait lentement. Ses parents