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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/292

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ROSENCHANTZ. — Holà ! Guildenstern ! introduisez Monseigneur.

Entrent HAMLET et GUILDENSTERN.

LE ROI. — Eh bien, Hamlet, où est Polonius ?

HAMLET. — A souper.

LE ROI. — A souper ! où cela ?

HAMLET. — Non pas à un souper où il mange, mais à un souper où il est mangé : il y a une certaine convocation de vers politiques qui sont tout à l’heure à s’occuper de lui [2]. Votre ver est l’unique empereur de la diète : nous engraissons toutes les autres créatures pour nous engraisser, et nous nous engraissons nous-mêmes pour les vers : votre empereur gras et votre mendiant maigre ne sont que des services variés, — deux plats, mais une seule table ; c’est la fin de tout.

LE ROI. — Hélas ! hélas !

HAMLET. — Un homme peut pêcher avec le ver qui a mangé d’un roi, et manger du poisson qui a mangé ce, ver.

LE ROI. — Que veux-tu dire par là ?

HAMLET. — Rien, si ce n’est vous montrer par quels voyages un roi peut tomber dans les tripes d’un mendiant.

LE ROI. — Où est Polonius ?

HAMLET. — Au ciel ; envoyez-y voir : si votre messager ne l’y trouve pas, cherchez-le dans l’ autre endroit vous-même. Mais en vérité, si vous ne le trouvez pas d’ici à un mois, votre nez le sentira quand vous monterez des escaliers dans le couloir :

LE ROI, à quelques assistants. — Allez le chercher à cet endroit.

HAMLET. — Il attendra jusqu’à votre arrivée. (Sortent les assistants.)

LE ROI. — Hamlet, cette action exige pour ta sûreté personnelle, — objet de notre chère sollicitude, autant que ton action est l’objet de notre douloureux regret, — ton départ précipité d’ici : par conséquent, prends tes dis-