Aller au contenu

Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/400

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

IAGO. — Tu la trouveras, je t’en réponds. Viens me rejoindre dans un instant à la citadelle : il faut que je fasse débarquer ses effets. Adieu.

RODERIGO. — Adieu. (Il sort.)

IAGO. — Que Cassio l’aime, je le crois, vraiment : qu’elle aime Cassio., c’est possible et très-facile à croire : le Maure, — quoique je ne puisse pas le souffrir, — est d’une nature noble, constant dans ses affections, et j’ose penser qu’il se montrera pour Desdémona un très-tendre époux. Maintenant, je l’aime aussi elle ; non par désir charnel, — quoique le sentiment qui me guide soit, peut-être un aussi, grand péché, — mais parce qu’elle me fournit en partie l’assaisonnement de n ; a vengeance : je soupçonne en effet ce Maure paillard de s’être insinué dans mon lit, soupçon qui comme un poison minéral me ronge les entrailles, et rien ne pourra soulager mon âme avant que je l’aie mis de pair avec moi, femme pour femme ; ou bien, si je ne le puis pas, avant que j’aie jeté le Maure dans Une si violente jalousie que le bon sens ne puisse le guérir. Pour atteindre ce but, si ce pauvre limier de Venise que je mène en laisse pour son ardeur à chasser, garde bien la piste, je tiendrai bientôt notre Michel Cassio par les rognons, et je le noircirai aux yeux du Maure de la façon la plus complète, car je crains que Cassio n’en veuille à mon bonnet de nuit lui aussi. Je veux que le Maure me remercie, m’aime et me récompense, pour avoir fait de lui un âne insigne, et troublé son repos et son bonheur jusqu’à le rendre fou. Le plan est là, mais encore confus ; le vrai visage de la fourberie ne se découvre que lorsqu’elle a fait son œuvre. (Il sort.)