cravache et de l’éperon, sinon je crie : un autre rival, s’il vous plaît !
MERCUTIO. — Parbleu, si nos esprits veulent entreprendre la course de l’oie sauvage, je me récuse ; car il y a plus de l’oie sauvage dans un seul de tes sens, j’en suis sûr, que dans les miens cinq : m’avez-vous pris pour l’oie dans cette course d’esprit9?
ROMÉO. — Quand par hasard je ne t’ai pas pris pour l’oie, je ne t’ai pris pour rien du tout.
MERCUTIO. — Je vais te mordre l’oreille pour cette plaisanterie.
ROMÉO. — Voyons, bonne oie, ne mords pas.
MERCUTIO. — Ton esprit est de saveur très-mordante ; il fait un très âpre assaisonnement.
ROMÉO. — Une marmelade de pommes acides, n’est-elle pas le, vrai assaisonnement, d’une oie fade ?
MERCUTIO. — Ah, quel esprit en peau de chevreau ! d’abord étroit d’un pouce, il devient ensuite large d’une aune.
ROMÉO. — Je l’étends encore pour ce mot large, qui ajouté à oie, prouve qu’en long et en large tu es une grande oie.
MERCUTIO. — Eh bien, est-ce que cela ne vaut pas mieux que de gémir d’amour ? maintenant te. voilà sociable, te voilà redevenu Roméo ; maintenant tu es. ce que : ta es selon l’art aussi bien que selon la nature ; car ce, radoteur d’amour ressemble à un grand, dadais, qui se traîne d’ici de là, tirant la langue, en cherchant.un trou où-carcher son amusette.
BENVOLIO. — Arrête ici, arrête ici.
MERCUTIO. — Tu veux que j’arrête ma. description à la partie la plus intéressante.
BENVOLIO. — Sans cela, tu l’aurais faite trop longue.
MERCUTIO. — Oh ! tu te trompes, je l’aurais faite courte : car j’étais arrivé au fin fond de la chose, et je n’avais pas l’intention de tenir le dé plus longtemps10.
ROMÉO. — Ah mais voilà un bel équipement ! (Apercevant la nourrice.)