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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/124

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ni mon service, ni vos dévouements, à vous que mon exil a condamnés au manque d’éducation, à la certitude de toujours mener cette vie dure, qu’il a privés des douceurs que vous promettait votre naissance, pour faire de vous à jamais les esclaves hâlés des étés brûlants, les esclaves grelottants de l’hiver.

GUIDERIUS. — Plutôt que de vivre ainsi, mieux vaut cesser de vivre. À l’aimée, Seigneur, je vous en prie : mon frère et moi, nous ne sommes pas connus, et quant à vous, on y pense si peu, et vous êtes d’ailleurs si changé qu’on ne vous questionnera certainement pas.

ARVIRAGUS. — J’irai, par ce soleil qui brille là-haut ! Quelle chose cela est d’être obligé de me dire que je n’ai jamais vu mourir un homme ! que c’est. À peine si j’ai jamais contemplé de sang, excepté celui de lièvres.poltrons, de boucs lascifs, et de gibiers ! que je n’ai jamais chevauché d’autre cheval qu’un seul qui né connaissait d’autre, cavalier que moi, cavalier qui jamais ne porta éperon ou fer à son talon ! J’ai honte de regarder le divin soleil, de recevoir le bienfait de ses rayons bénis, en restant si longtemps un.pauvre inconnu.

GUIDERIUS. — Par les cieux, j’irai. Si vous voulez me donner votre bénédiction, et me permettre de partir, j’en prendrai plus de soin de moi, Seigneur ; mais si vous ine refusez, en bien ! que le hasard se serve des mains des Romains pour faire tomber sur moi le soit dont votre refus me menacera !

ARVIRAGUS. — J’en dis autant. Amen.

BELARIUS. — Puisque vous tenez vos existences à si peu. de prix, je n’ai aucune raison de conserver ma vieille personne pour de nouveaux soucis. Je suis à vous, mes garçons ! Si le sort veut que vous mouriez dans les guerres de votre patrie, mon lit est là aussi, enfants, et je m’y coucherai : conduisez-moi, conduisez-moi ! (A part.) Le temps leur semblé long ; leur sang se trouve humilié de ne pouvoir jaillir et montrer qu’ils sont princes. (Ils sortent.)