Aller au contenu

Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

père appelait Guiderius, — par Jupiter ! lorsque je suis assis sur mon escabeau à trois pieds, et que je lui raconte mes exploits guerriers, toute son âme se précipite dans mon récit. Si je dis, « c’est ainsi que tomba mon ennemi ; c’est ainsi que je mis le pied sur son cou, » immédiatement son sang princier monte à sa joue, la sueur l’inonde, il roidit ses jeunes nerfs, et il prend la posture qui peut traduire mes paroles par l’action. Le frère cadet, autrefois Arviragus, maintenant Cadwal, dans une attitude semblable, frappe de vie mon récit, et montre bien mieux encore son propre sentiment. — Écoutons ! le gibier est lancé ! — 0 Cymbéline ! le ciel et ma conscience savent que tu m’as injustement banni : c’est pourquoi j’enlevai ces enfants, lorsqu’ils n’étaient âgés que de trois et de deux ans, dans la pensée de te priver de postérité, comme tu m’avais privé de mes terres. Euriphile, tu fus leur nourrice ; ils te prenaient pour leur mère, et chaque jour ils vont honorer ton tombeau : moi-même, Belarius, qui me nomme aujourd’hui Morgan, ils méprennent pour leur père selon la nature. — Le gibier est lancé ! (Il sort.)

SCÈNE IV.

Le pays de GALLES. — Près de HILFORD-HAVEN.
Entrent PISANIO et IMOGÈNE.

IMOGÈNE. — Lorsque nous sommes descendus de cheval, tu m’avais dit que le lieu était tout proche ; — jamais ma mère ne désira me voir pour la première fois, comme je désire maintenant.... Pisanio ! ami ! où est Posthumus ? Qu’as-tu donc dans l’âme, pour tressaillir ainsi ? Pourquoi ce soupir s’échappe-t-il du fond de ta poitrine ? Un personnage, peint qui aurait ton visage de l’heure présente serait pris pour le portrait d’un, homme perplexe à en être incapable de s’expliquer : prends une contenance qui exprime moins la crainte, sans quoi la frayeur va finir par terrasser mes sens plus fermes. Qu’y a-t-il ?