Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1873, tome 12.djvu/318

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Selon le vieux dicton. — Donc, mon bon seigneur, je crois qu’il vaudrait mieux envahir d’abord la France ; — car, en conquérant l’Écosse, vous ne conquérez qu’un pays ; — et, en conquérant la France, vous en conquérez deux.

(9) Ces vers rappellent un passage de Cicéron que le commentateur Theobald a le premier cité : « Ut in fidibus, ac tibiis, atque cantu ipso, ac vocibus concentus est quidam tenendus ex distinctis sonis, quem immutatum, ac discrepantem aures eruditæ ferre non possunt, isque concentus ex dissimillimarum vocum moderatione concors tamen efficitur et congruens : sic ex summis, et infimis, et mediis interjectis ordinibus, ut sonis, moderata ratione civitas consensu dissimillimorum concinit, et quæ harmonia a musicis dicitur in cantu, ea est in civilate concordia, arctissimum atque optimum omni in republica vinculum incolumitatis : qua ; sine justitia nullo pacto esse potest. »

À ce sujet, un des plus consciencieux éditeurs de Shakespeare, M. Charles Knight, publie la note intéressante que voici :

« Le passage de Cicéron, avec lequel les vers de Shakespeare ont une telle analogie, est extrait de cette portion du traité perdu De Republica qui nous a été conservée dans les écrits de saint Augustin. La première question qu’on se pose est donc celle-ci : Shakespeare avait-il lu ce fragment dans saint Augustin ? Mais, d’après tout ce que nous savons, le De Republica de Cicéron était une imitation de la République de Platon ; la phrase que nous avons citée se trouve presque littéralement dans Platon ; et, ce qui est plus curieux encore, les vers de Shakespeare sont plus profondément imbus de la philosophie platonicienne que le passage de Cicéron. Ces vers :

Car tous les membres d’un État, grands, petits et intimes,
Chacun dans sa partie, doivent agir d’accord
Et concourir à l’harmonie naturelle,
Comme en un concert.

et les vers qui suivent :

C’est pourquoi le ciel partage
La constitution de l’homme en diverses fonctions.

développent sans aucun doute la grande doctrine platonicienne de la triade formée par trois principes dans l’homme et de l’identité de la constitution de l’homme avec la constitution de l’État.

« Le passage même de la République de Platon, auquel nous faisons illusion, est dans le quatrième livre et peut se traduire ainsi : « Ce