Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/100

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retraite de la nature un abri, son berceau à elle, et à lui, son sépulcre… De plus en plus sombres, les ombres s’accumulent. Le chêne, de ses bras immenses et noueux qu’il étend, embrasse le frêle hêtre. Les pyramides du cèdre altier, faisant voûte, forment les plus solennels dômes, et bien loin au dessous, comme des nuages suspendus dans un ciel d’émeraude, le frêne et l’acacia flottent suspendus, tremblants et pâles. Semblables à des serpents sans repos, vêtus d’arc-en-ciel et de feu, les plantes parasites, étoilées de dix mille fleurs, courent autour des troncs gris ; et, comme les yeux enjoués d’enfants rayonnants de charmantes intentions et des plus innocents artifices enlacent de leurs rayons les cœurs de ceux qui les aiment, ainsi ces plantes entrelacent leurs vrilles autour des rameaux unis, pour sceller leur secrète union ; le tissu des feuilles forme un réseau de la lumière bleu foncé du jour et des sombres clartés de minuit, aussi changeant que les ombres dans les nuages charmés. De molles clairières mousseuses sous ces dais étendent leurs ondulations parfumées d’herbes odorantes et parsemées des yeux de mille belles petites fleurs. Un très sombre vallon, de ses bois de rose unis musquée, entrelacés aux jasmins, envoie une odeur qui fait pâmer lame et invite à quelque plus ravissant mystère. À travers la vallée, Silence et Crépuscule, frères jumeaux, font leur veille de midi et voguent au milieu des ombres, comme des formes vaporeuses à moitié aperçues. Au delà une source aux lueurs sombres, et de l’eau la plus transparente, reflète tous les rameaux, enlacés au-dessus d’elle, et chaque feuille pendante, et chaque parcelle du ciel azuré qui perce à travers leurs vides ; et rien autre chose ne baigne son image dans le liquide miroir,