Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/111

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PRÉFACE

Le poème que j’offre aujourd’hui au monde est un essai dont j’ose à peine attendre le succès, et dans lequel un écrivain d’une renommée déjà établie pourrait succomber sans déshonneur. C’est une expérience du tempérament de l’esprit public, en vue d’observer jusqu’à quel point les aspirations à une plus heureuse condition de la société morale et politique survivent, chez les hommes éclairés et raffinés, aux orages qui ont ébranlé l’âge où nous vivons. J’ai voulu faire servir l’harmonie du langage mesuré, les combinaisons éthérées de l’imagination, les rapides et subtils mouvements de la passion humaine, tous les éléments qui sont l’essence d’un poème, à la cause d’une morale libérale et compréhensive ; désireux surtout d’allumer dans le cœur de mes lecteurs un vertueux enthousiasme pour ces doctrines de liberté et de justice, cette foi et celte espérance dans le bien, que ni la violence, ni l’erreur, ni les préjugés ne peuvent jamais totalement éteindre dans l’espèce humaine.

Dans ce dessein, j’ai choisi pour sujet une histoire de passion humaine, dans son caractère le plus universel, mêlée d’aventures émouvantes et romantiques, et s’adressant, en dépit de toute opinion ou institution artificielle, aux sympathies communes à tout cœur humain. Je n’ai point essayé d’établir par arguments méthodiques et systématiques les mobiles moraux que je voudrais voir substituer à ceux qui maintenant gouvernent l’espèce humaine. Je ne veux qu’éveiller les sentiments : en sorte que le lecteur puisse voir la beauté de la vraie vertu et se sentir